Des pommettes hautes, un nez fin et droit, et l’ovale du visage parfaitement dessiné : dans certains cabinets d’esthétique, la demande de transformation explose chez les moins de 35 ans, dont l’un des nouveaux idéaux de beauté est la mannequin américaine Bella Hadid.
Connaissez-vous Bella Hadid ? Égérie du maquillage Dior, elle est aussi la petite sœur du mannequin américain Gigi Hadid et l’amie de Kendall Jenner, elle-même sœur de Kylie Jenner et demi-sœur de Kim Kardashian. Vous suivez ? Vous faites peut-être partie de ses 25 millions d’abonnés sur Instagram. Si vous ne voyez pas, vous pouvez chercher sa photo sur Google ou plutôt ses photos avant/après.
À 23 ans, la jeune Bella est en effet une parfaite illustration de ce qui se passe en ce moment dans les cabinets d’esthétique. Ses photos « avant » la montrent de face, souriant, le visage rond et poupon. Sur les clichés actuels, et notamment sur ceux qu’elle poste sur les réseaux sociaux, elle se tient le visage légèrement de trois quarts, sans sourire mais les lèvres en avant, esquissant un « bisou », pose qui met en valeur ses pommettes hautes, ses joues creusées et son ovale ultra-dessiné.
Si l’attitude joue fortement sur la modification de la morphologie du visage, les actes esthétiques sont loin d’y être étrangers. »C’est le visage sculpté typiquement à la mode actuellement, il représente l’idéal de beauté pour les jeunes femmes », constate le docteur Jonathan Bouhassira, qui pratique chirurgie et médecine esthétique à Antibes. Conséquences ? Les jeunes ne sourient plus sur les photos, ça arrondit le visage, et elles n’hésitent pas à s’offrir quelques retouches esthétiques.
Embellir plutôt que corriger
« On assiste à un rajeunissement de la patientèle, les moins de 35 ans sont deux fois plus nombreuses que les plus de 55 ans, ce qui n’était pas le cas il y a encore cinq ans. La médecine esthétique était taboue. Aujourd’hui, les jeunes femmes sont très décomplexées sur le sujet, elles connaissent les techniques et savent ce qu’elles peuvent en attendre », constate Maxence Delmas, directeur général de Galderma.
Alors que la génération des plus de 45 ans cherche à corriger les signes de l’âge et les trentenaires à les prévenir, les jeunes, voire très jeunes femmes, viennent pour embellir. « Cela peut aller jusqu’à vouloir changer leur visage pour se rapprocher des canons actuels de beauté, parfois hors normes. Il y a quelque chose d’un peu “trans” dans ces souhaits de transformation », analyse Audrey Roulin, directrice beauté chez Nelly Rodi.
De nombreuses demandes en cabinet sont motivées par les icônes des réseaux, plus ou moins directement : Kylie Jenner et ses lèvres gonflées d’acide hyaluronique, Kim Kardashian et son visage « contouré » et Bella Hadid et son nouveau profil, pour ne parler que du visage.
Une beauté « internationalisée »
« Longtemps le type caucasien a été le modèle à suivre, aujourd’hui la beauté s’internationalise et s’uniformise autour d’un mélange : on veut des lèvres pulpeuses, associées à des pommettes hautes très slaves et un teint hâlé moyen-oriental », remarque Maxence Delmas. On ne sera donc pas étonné que l’une des interventions les plus pratiquées soit les injections dans les lèvres (55 % des médecins la pratiquent, un chiffre qui a explosé en dix ans), pas seulement pour corriger une nature très fine ou asymétrique mais pour obtenir un volume qui se voit.
Le contouring, technique qui consiste à sculpter le visage à l’aide du maquillage, a également fait son apparition en esthétique. « La demande est très récente, précise le Dr Bouhassira. À l’aide d’injections d’acide hyaluronique, on redessine un ovale, en projetant un menton fuyant vers l’avant et en marquant l’angle mandibulaire. »
Le Dr James Schinazi, médecin esthétique à Paris et dont 60 % des patientes ont entre 18 et 30 ans, est coutumier de ces demandes. »Notre rôle de médecin est d’expliquer qu’entre ce que l’on voit sur les réseaux sociaux et la réalité, il y a une différence. Le contouring, par exemple, rend le visage plus carré, donc plus masculin et, à la longue, ça l’alourdit. Même si les produits utilisés sont résorbables, à force cela induit des modifications, en raison de la fibrose cicatricielle sous-cutanée et d’un phénomène de mémoire de forme de la peau.
Entre désir et réalité
« Deux à trois fois par jour, il refuse des demandes quand la patiente ne semble pas prête psychologiquement, pas sûre de ce qu’elle veut, qu’elle veut passer à l’acte pour faire comme ses copines ou que sa demande est trop fantaisiste. Lever des complexes, oui, corriger des asymétries, oui, rivaliser avec les visages sur Instagram, les médecins sérieux disent non.
L’harmonie du résultat guide aussi la décision. »Ce n’est pas qu’une question subjective. Avant une injection dans les lèvres, je prends des mesures de la bouche et je les compare à celles du visage. Si donner du volume aux lèvres n’est pas harmonieux, donc pas justifié, je refuse », explique le Dr Bouhassira. Dans son cabinet d’esthétique parisien, la dermatologue Nadine Pomarède atténue volontiers une ride du lion présente de façon précoce ou corrige des asymétries : »Mon rôle n’est cependant pas de transformer le visage. Cela peut être préjudiciable d’adhérer à certains désirs de ces jeunes patientes qui sont en réalité encore des post-ados en âge et dans leur tête. Je ne suis pas là non plus pour que les dysmorphophobiques soient contentes d’elles. Il faut rester vigilant pour ne pas projeter ces femmes jeunes dans une surenchère esthétique. »
Satisfaire un besoin d’instantanéité
La limite n’est pas simple à définir dans une société où le paraître et l’image prennent une place prépondérante. Ainsi, la dermatologue raconte le cas de cette patiente de 25 ans venue pour traiter des paupières tombantes héréditaires, qui ne la gênaient pas jusqu’au jour où elle n’a pas eu une promotion car on lui a préféré une jeune femme moins compétente mais qui avait « l’air fraîche ». Quelques points de toxine botulique ont permis d’ouvrir le regard sans le modifier et de remettre la jeune femme dans la course. « La médecine esthétique séduit aussi car elle répond à ce besoin d’instantanéité qui touche actuellement tous les secteurs », estime Audrey Roulin.
L’avancée des techniques esthétiques démocratise fortement le geste. »On est face à une médecine esthétique intelligente, qui permet de corriger des défauts sans passer par la chirurgie », poursuit Audrey Roulin. D’ailleurs, le nombre d’actes de chirurgie a baissé. Il est ainsi aujourd’hui possible, via les injections, de rendre un nez plus droit, plus fin, sans bistouri. « Cette technique de rhinoplastie médicale est temporaire, elle dure un an, mais permet d’éviter les suites lourdes d’une opération et de voir le résultat si on envisage quand même à terme la rhino chirurgicale », détaille le Dr Schinazi, qui s’est spécialisé dans la technique.
Des actes et produits de plus en plus innovants
Les médecins esthétiques doivent s’adapter à ces nouvelles demandes d’embellissement, l’acte technique n’étant pas tout à fait le même lorsqu’il s’agit d’atténuer des signes de vieillissement, et les laboratoires qui fournissent les produits injectables ont leur rôle à jouer. « Nous développons des formations scientifiques sur les façons d’injecter les zones à piquer en toute sécurité », explique Stéphane Lafond-Berbon, responsable marketing esthétique chez Galderma.
Certains n’hésitent pas à marketer les produits, comme Merz Aesthetics avec Belotero Lips, une gamme de deux acides hyaluroniques, l’un pour augmenter le volume des lèvres, l’autre pour redéfinir les contours, les deux s’utilisant ensemble pour un traitement complet du sourire.
Médecins esthétiques 2.0
Avec cette jeune génération qui débarque et dont toute la vie ou presque passe par le numérique, les médecins ne doivent pas seulement changer leur façon de piquer, ils doivent aussi se connecter. Le bouche à oreille, aujourd’hui, c’est le Web et les réseaux. C’est par eux que les jeunes femmes découvrent les actes et les médecins, et qu’elles communiquent avec eux.
« Les 19-23 ans, particulièrement, vont être accrochées par une pratique esthétique avec un post sur les réseaux sociaux », constate le Dr Bouhassira. Avant de choisir un médecin, elles consultent sa note et les avis Google, puis elles se connectent à son compte Facebook ou Instagram. Elles ont accès à l’expérience des autres à travers le monde, elles suivent les interventions, les suites, les résultats, cela offre une expérience immersive qui rassure.
« En tant que médecin, on ne fait pas de publicité, c’est interdit, mais on livre des informations sur les actes esthétiques, les indications, les dérives, les suites, et on dialogue en direct avec les patientes. Je suis connecté pour répondre à leurs questions, c’est devenu pour moi un outil de travail, chronophage mais indispensable », explique le Dr Schinazi.
Pas d’inquiétude excessive à avoir pour autant. Si les moins de 30 ans n’hésitent plus à pousser la porte d’un cabinet, le phénomène n’est pas uniquement lié à un désir massif de se transformer. Chez la Dre Pomarède, par exemple, les jeunes femmes souhaitent majoritairement améliorer la qualité de leur peau, estomper des cicatrices d’acné, affiner le grain de peau. Un peu plus rapidement et efficacement qu’avec une crème.
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